Je Me Petit-Suicide Au Chocolat

Claudine Hunault actrice, écrivaine et psychanalyste a écouté pendant dix ans 3000 hommes et femmes en surpoids, en obésité et en obésité massive, morbide. Elle a écouté et elle a reçu dans son corps les paroles innombrables. C’est pourquoi elle a très vite commencé à écrire pendant les consultations et n’a jamais cessé d’écrire. L’écriture comme tiers entre les patients, les patientes et elle. Tant les histoires de chacun, de chacune sont « énormes », inimaginables, violentes, aussi violentes que ce qu’ils et elles imposent à leurs corps et qui un jour, en bout de course, les conduit là dans un service médico-chirurgical de l’obésité. La plupart veulent se faire opérer. Passage obligé : Voir la psy. Qui ne s’intéresse ni à leur poids ni à ce qu’ils mangent mais tout de suite les déplace et les appelle du côté de leur histoire, la vieille histoire.

Et là tout commence.

Comment est venue l’obésité. À quoi elle a servi. De quoi elle a protégé. Quelle place elle permet de maintenir. Quelle jouissance (et non pas quel plaisir) s’y rattache. Dans quelle prison elle enferme. Comment on va s’en sortir. Est-ce qu’on peut s’imaginer non obèse. Perdre des kilos de graisse et sortir de l’obésité, est-ce que ça revient au même. Est-ce que le poids s’est pris à cause de quelqu’un ou contre quelqu’un et si on perd ce poids, est-ce qu’on perd ce quelqu’un.

Sur scène elle mène l’enquête. Elle fait surgir des personnages nourris de ces milliers d’entretiens. Elle désosse les mécanismes qui nous enferment dans nos dépendances. Et pas seulement à la nourriture.

On avance par question, par hypothèse, par poème. On avance avec légèreté, avec humour.

On avance en transgressant les bons sentiments, les positions morales, les codes de ce qui serait acceptable et agréable à regarder et à entendre. On pète le cadre. Le corps obèse transgresse les mesures. Il explose le cadre de son corps.

Les questions nous concernent tous et toutes parce que nous avons tous et toutes un corps : un corps qu’on regarde, un corps qu’on éprouve, un corps qui est un lieu de pouvoir, un corps qu’on nomme, parce que nous vivons dans une société qui nous pousse à consommer à tout crin et sans fin, y compris des régimes ou des opérations, parce que notre société fabrique de l’obésité à jet continu tout en la condamnant.

Or dès qu’il y a un corps, il y a des ambivalences, des équivoques, des dépendances

Dès qu’il y a un corps, il y a des mots sur ce corps et dès que c’est dit, c’est trop tard, ça ne s’effacera pas. Est-ce que notre poids nous définit ? Est-ce que notre âge nous définit ? Est-ce que la couleur de notre peau nous définit ? Est-ce que notre sexe nous définit ?

La musique fonction comique

Transgression par la parole. Transgression par la musique. Sur scène avec Claudine Hunault l’actrice, Cédric Jullion musicien, compositeur.

La musique prend en charge une part de la violence, de la contradiction, de la paralysie, de l’excès, du cri que connaissent les corps qui ne font que peser.

La musique répond à l’absurde des situations, elle répond à la parole et vient contrer le tragique, elle déclenche le rire par des jeux de répétition, d’accumulation qui manifestent physiquement comment les mots au fil du temps s’enracinent en nous, se collent et bouchent le sens.