Ah si vous saviez comme on voudrait fuir

Il y a le Chant du Cygne, la Demande en Mariage, le Tragédien malgré lui et la Conférence sur les méfaits du tabac qui s’enchaînent tour à tour. Les comédiens s’amusent. Ils jouent à jouer. Ils se racontent des histoires. Ils s’inventent des ailleurs et des demains pour traverser aujourd’hui. Et pourquoi pas ?
Ils sont cinq sur scène. Un musicien attablé et sa guitare les accompagne. Et rien ne va sauf la vie qui, elle, va toujours.
A bien y regarder, ils sont ce qu’ils n’arrivent pas à faire, ce qui frotte, chute, essaie en vain. Il y a celui qui ne trouve pas son public et hurle son amour à la fosse, celui qui n’arrive pas à se marier et s’emballe pour un rien, celui qui ne sait toujours pas dire non et se trimbale avec les valises de tous, celle qui n’a pas su partir au bon moment et ne peut faire sa conférence.
Ils sont pourtant si beaux dans leurs errances. Ils sont trahis, fatigués, mesquins, lâches, susceptibles, extravertis, timides mais beaux avant tout. Et qui ne le serait pas avec toutes ces vies à porter en bord de cœur, celle qu’on aurait voulu, celle qui n’aura pas lieu, celle qui se passe quand même.
Si vous saviez comme ils voudraient fuir cette vie qui ne ressemble pas à ce qu’on s’était promis, ces amours qui ne durent jamais assez longtemps, ces autres qui nous en demandent toujours trop,
cette solitude qu’on arrive jamais à consoler.
Si vous saviez comme ils voudraient par moments tout recommencer, dire non, oublier ce qui n’a pas marché, ce qui a trop marché, ce qui ne marche plus. Et pourtant, si vous saviez, ce que nous en avons fait de toute cette tristesse lumineuse, ces routes qui mènent ailleurs, tous ces rêves qu’on ne fait plus.
On en a fait une fête, un éclat de rire, un feu de joie qui réconforte. Parce que jouer Tchékhov aujourd’hui, c’est arrêter de fuir un temps. C’est regarder tout ce qui blesse, tous ces défauts, ces échecs, ces trop durs, trop loin, ces pas possibles, avec, dans le coin de l’œil, un amour sincère. Jouer Tchékhov, , c’est consoler tous ces bouts de nous dont nous ne voulions plus et les embrasser sans aucune modération.