Elles avant nous

L’expérience des jeunes femmes de Mayotte transforme nos imaginaires de l’altérité.

Partout au monde, entre 15 et 25 ans, on rêve sa vie. On regarde, on s’étonne, on se cherche. Et puis on passe à l’action : on prend des décisions, on assume des situations.
À Mayotte les jeunes filles et les jeunes femmes vivent cet âge avec une intensité particulière, tout est si rapide : leurs grands-mères ont connu l’île sans eau ni électricité, quand elles découvrent le monde sur internet. Riches des expériences de leurs mères, de leurs sœurs, elles font face à des questions existentielles : partir étudier ou rester travailler, revenir, se marier ? Se révolter ? Se plier aux traditions ou les réinventer en douceur ? Comment ces françaises de la périphérie s’envisagent comme mahoraises, africaines, citoyennes françaises, et comme femmes libres ? Comment leurs rêves et leurs récits éclairent ceux des jeunes de métropole ?
Trois comédiennes, Anzmat Ahmadi, Nawoile Said Moulidi, Anturia Soilihi, originaires de Mayotte et des Comores, partagent le plateau comme elles partagent une culture d’origine. Tour à tour, elles font entendre la parole de jeunes femmes. Elles s’emparent de leurs récits, et les font résonner avec leur expérience singulière. Ces récits racontent les combats, la fureur de vivre, l’intelligence et l’humour qu’il faut pour composer avec des contextes difficiles, comme avec des injonctions contradictoires. Elles allient de manière singulière leur ancrage dans une culture musulmane, avec leur appartenance à la République Française, à la laïcité française, mais surtout, et de manière plus universelle à la modernité et au monde de demain.
Ce spectacle s’est construit lors de plusieurs séjours de recherche à Mayotte au cours desquels nous avons interviewé des femmes de tous âges et animé des ateliers de pratiques théâtrales. Nous nous sommes intéressées à la façon dont se définissent et s’inventent les jeunes femmes de l’île : il s’agissait de faire un pas de côté, un détour géographique pour aborder les questions de diversité et d’appartenance au sein de l’identité nationale de manière moins frontale qu’en parlant de ce que les médias ont coutume d’appeler « l’islam des cités ».